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Léa & Belfast
20 janvier 2013

Le conflit en Irlande du Nord

 

Origine du conflit

 

Il faut un peu de temps pour que les irlandais commencent à parler aux étrangers de ce qu’on appelle ici « Les Troubles », à savoir le conflit qui a opposé, à partir des années soixante à peu près, les républicains et les nationalistes. Je vais essayer ici de faire ici une synthèse de ce que m’ont raconté les gens que je côtoie, des protestants, des catholiques, mais tous paisibles et non partisans. Avec un peu d’aide de Wikipédia, parce que tout cela est bien compliqué.

Il est très important d’abord de comprendre que le conflit nord irlandais a des racines très profondes. Dès le 12ème siècle, l’île est sous autorité anglaise. C’est le début d’une colonisation progressive et douce qui n’est alors pas encore problématique. Les ennuis commencent au 16ème siècle, quand le gouvernement britannique confisque des terres aux paysans de l’île pour y envoyer des colons et ainsi étendre sa domination. A cette même époque, l’anglicanisme (protestantisme anglais) est décrété religion officielle de l’île. Les irlandais de souche ainsi que la plupart des descendants des premiers colonisateurs, tous fidèles au catholicisme, s’y opposent violemment. Mais les révoltes échouent et pour mater l’opposition, le gouvernement anglais confisque de nouvelles terres et établit des lois discriminantes envers les catholiques.

Au XVIIème  siècle, les anglais édictent de nouvelles lois pour limiter le développement de l’Irlande. Par exemple, des taxes exorbitantes sur les récoltes de blé sont mises en place. Pour cette raison, les irlandais commencent à cultiver des pommes de terre et à élever des moutons car cela coûte mois cher. Le plat national irlandais est aujourd’hui encore l’irish stew, un ragoût de mouton, pommes de terre et carottes. Ils fabriquaient aussi du pain aux pommes de terre et des gâteaux aux pommes de terre, ce qui fait quand-même beaucoup de patates à avaler. On peut donc assez facilement comprendre que quelques unes leurs soit restées en travers de la gorge.

Au XVIIIème commencent à éclore les premiers mouvements nationalistes (pour l’Irlande libre) et loyalistes (pour l’allégeance à la couronne d’Angleterre). Un point important à mentionner est que le premier véritable groupement nationaliste, le Parti patriotique irlandais, est composé de protestants. Au même siècle, du côté loyaliste, est fondé l’Ordre d’Orange, du nom du roi anglais Guillaume d’Orange (un des premiers qui, plus tôt, avait pris des mesures drastiques pour coloniser l’Irlande). Cet ordre est également protestant.

Au XVIIIIème siècle est adoptée l’Union Act. Ce traité rattache officiellement l’Irlande à la Grande-Bretagne. Alors qu’auparavant l’île bénéficiait d’une toute petite autonomie, elle n’en a maintenant plus du tout.  Plus de 90% des terres appartiennent aux colons. A ce moment là, la scission entre loyalistes et nationalistes commence à se teinter de luttes religieuses. En effet, les discriminations contre les catholiques ont toujours cours. Par conséquent, le nationalisme devient plus catholique et le loyalisme plus protestant.

Au même siècle survient la grande famine, ou famine des pommes-de-terre. Le mildiou atteint les récoltes pendant quatre ans. Les paysans n’ont donc plus rien à manger et meurent de faim, sans être aidés par La Grande-Bretagne, qui a pourtant d’énormes réserves de nourriture. John Mitchell, fondateur du mouvement autonomiste irlandais Young Ireland dira à ce sujet : « Dieu a envoyé le mildiou, c’est vrai, mais les Anglais ont créé la famine.

Au XXème siècle, le facteur culturel prend de l’importance. En effet, les mouvements nationalistes sont plutôt de culture celte, de langue gaélique et de religion catholique tandis que les mouvements républicains sont plutôt de culture et langue anglaise, et de religion protestante. Le pays est agité par des conflits entre les deux camps. Plusieurs groupes se forment et ceux-ci commencent à s’entraîner militairement et à acheter des armes. Pendant la première guerre mondiale, le 24 avril 1916, a lieu l’insurrection de Pâques. Des républicains s’emparent de bâtiments stratégiques à Dublin sans trop de violence et proclament la République irlandaise. Ils sont très sévèrement réprimés et plusieurs d’entre eux décèdent, mais ils gagnent ainsi la sympathie de la population, qui les considère comme des martyrs.

Grâce à cela, le parti républicain pacifiste Sinn Féin remporte les élections en 1918 et proclame encore une fois l’indépendance irlandaise.

 

La séparation entre l’Irlande du Sud et l’Irlande du Nord

 

L’Irish Republican Army (IRA) organise la résistance contre l’Etat britannique, jusqu’en 1921, où une trêve est acceptée par les deux camps. Il en résulte la séparation entre l’Etat libre d’Irlande (actuelle Irlande du Sud) et l’Irlande du Nord qui reste anglaise. Mais une grande partie de l’IRA n’accepte pas le traité, tandis que l’autre rejoint l’armée sud irlandaise conduisant, en 1922, à une guerre civile. Elle prend fin en 1923, quand l’IRA prend conscience qu’elle ne peut pas gagner contre la nouvelle armée sud-irlandaise (et qu’en plus, cela est inutile de se battre contre ses anciens compagnons d’arme, dans l’Irlande indépendante qu’ils avaient si longtemps espérée).

Pendant ce temps a lieu la Guerre d’indépendance en Irlande du Nord, cette fois entre les républicains (qui aimeraient être avec l’Irlande libre du Sud) et les loyalistes (qui veulent rester britanniques). Ces derniers discriminent les catholiques, socialement, économiquement et politiquement et l’action de certains groupes extrémistes est horrible, allant jusqu’au meurtre. Par exemple, la nuit, des tournées des bars catholiques sont organisées. Des catholiques  finissent battus à mort ou égorgés. L’IRA, à ce moment-là (entre 1960 et 1970) est très affaiblie et ne peut pas faire grand-chose. Mais les catholiques s’organisent pacifiquement pour défendre leurs droits (ils demandent principalement une réforme électorale) et sont très sévèrement punis. Le 5 octobre 1968, ils organisent une marche à Derry, sans aucunes armes, une simple manifestation. La police britannique ouvre le feu sur eux et 77 personnes sont blessées.

Le 12 août 1969, des jeunes loyalistes défilent agressivement près des ghettos catholiques de la banlieue de Derry. Les catholiques réagissent à la provocation et se défendent, ce qui donne lieu à un début de guerre civile avec jets de pierres, cocktails Molotov et mitrailleuse. Le 14 août, l’armée britannique tente de s’interposer mais le bilan est lourd : neuf morts et cinq-cents maisons incendiées.

En 1970, l’IRA reprend du poil de la bête. Elle commence par défendre les ghettos catholiques des attaques loyalistes, avant de devenir un véritable groupe paramilitaire. L’armée anglaise lui demande de maintenir l’ordre dans les quartiers loyalistes. Ce n’est pas vraiment une bonne idée, car l’IRA étant partisane, c’est une véritable guérilla qui commence alors, menant finalement à des affrontements entre l’IRA et les forces militaires anglaises elles-mêmes.

En 1971, Brian Faulkner, proche des loyalistes radicaux, devient premier ministre d’Irlande du Nord. Il fait édicter une loi permettant d’arrêter les fauteurs de troubles sans procès préalable. Mais presque seulement des catholiques ou des républicains sont arrêtés, puis torturés. Par conséquent, les catholiques ne se fient plus à l’armée britannique pour assurer leur protection et se tournent complètement vers les groupes paramilitaires (comme l’IRA par exemple).

En 1972, une nouvelle manifestation pacifique à lieu près de Derry, en présence de membres de l’IRA. Ceux-ci ne portent pas d’armes, mais l’armée britannique ouvre le feu, faisant quatorze morts. C’est le Bloody Sunday. Les anglais diront avoir vu des fusils mais c’est un mensonge, car il n’y en avait pas. Ils ont fini par reconnaître leur tort, mais très récemment.

C’est la guerre civile. On construit des murs entre catholiques et protestants, des bombes explosent, des personnes sont arrêtés, torturées, tuées, il y a des morts, beaucoup. Le Gouvernement britannique tente de trouver des solutions mais le conflit est allé tellement loin qu’il est maintenant difficile de revenir en arrière.

A la fin de l’année 1974, l’IRA propose une trêve de Noël. Celle-ci ne sera pas bien longue car le conflit reprend de plus belle au début de 1975. Cependant, en parallèle, l’IRA négocie secrètement avec le Gouvernement britannique pour essayer de trouver un arrangement. Il faut cependant avoir à l’esprit que  l’organisation est composées de cellules, plus ou moins violentes. Toutes ne sont pas d’accord de mettre fin au conflit. De plus, les loyalistes extrémistes haïssent toujours les catholiques.

Entre 1980 et 1990, le première ministre anglais est Margaret Thatcher. Elle est complètement inflexible. Dans les prisons, les membres des groupes terroristes ayant été arrêtés (principalement de l’IRA) protestent contre leurs conditions de détention, principalement par des grèves de la faim. Ils reçoivent le soutien de la communauté internationale, mais Thatcher ne veut rien entendre. Elle dit ne pas vouloir transiger avec les terroristes. Mais, en réalité, les terroristes loyalistes, eux, ne la dérangent pas. Elle ne dit rien quand ils vont assassiner des personnalités républicaines et ne fait pas spécialement d’efforts pour qu’ils soient arrêtés.

Vers 1990, l’IRA a évolué vers une vision plus pacifiste. Après des années de guerre, l’heure est venue d’essayer d’avancer vers la paix. Mais les loyalistes continuent à tuer des catholiques et les cellules violentes de l’IRA continuent à se venger. Cependant, petit à petit, la situation se calme.

Le 10 avril 1998 est signé l’accord du vendredi saint entre Tony Blair, un représentant loyaliste (John Hume) et un représentant républicain (David Trimble). L’Irlande du Nord reste anglaise mais le Gouvernement doit être constitué de dirigeants des différents mouvements et les discriminations envers les catholiques complètement abandonnées. Par exemple, tous le monde en Irlande du Nord a droit s’il le souhaite à la double nationalité, anglaise-irlandaise. Une campagne de désarmement et de libération des prisonniers politiques est lancée. Puis un référendum au Nord et au Sud est accepté par la majorité de la population.

En 2005, l’IRA rend complètement les armes.

 

Epiphénomène

 

L’Irlande du Nord est aujourd’hui un endroit sûr. La très grande majorité de la population a conscience du prix de la guerre et ne veut pas le payer une seconde fois. Cependant, des tensions demeurent. Il y a toujours des ghettos, catholiques et protestants, dans lesquels vivent des gens pauvres, souvent au chômage. Il y a toujours des extrémistes énervés. Et ici comme ailleurs, on trouve des boucs émissaires. En Suisse ce sont les étrangers, ici les catholiques (pour les protestants) et les protestants (pour les catholiques). Des émeutes ont éclaté récemment, après le vote par le Parlement d’une loi visant à ne plus faire flotter le drapeau anglais sur le bâtiment municipal 365 jours par année. Alors, parce qu’ils s’ennuient, parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire et poussés par des extrémistes énervés vivant encore trente ans en arrière, de jeunes loyalistes descendent dans la rue pour protester, brûler des voitures et lancer des cailloux.   

Mais personne n’est avec eux. Ils sont une vingtaine, cinquante au maximum, à n’avoir pas compris que pour les familles, pour les enfants, pour les gens ordinaires préoccupés par le simple combat ordinaire, les drapeaux n’ont pas d’importance. Ce qui en a, c’est prendre le bus, aller boire un verre ou faire une promenade le dimanche sans risquer d’être assassiné. C’est, simplement, vivre en paix. 

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Commentaires
P
Et, regardez "le vent se lève" de Ken Loach, sorti en 2006, sur le conflit autour de 1921 lorsque l'Irlande du sud acquiert son "indépendance". Avec Cillian Murphy, alias Thomas Shelby, Peaky Blinders.
A
Merci beaucoup pour la clarté des explications.
M
Merci beaucoup pour votre aide j'ai bien compris c'était simple et agréable à lire. Bonne journée
P
Bonjour, le 19ème siècle s'écrit XIX et non XVIIII .C'est une faute assez importante. Cependant cet article est très complet.
S
bonjour récit vivant du conflit Irlandais qui n'est pas simple à comprendre .. mais je pense qu'il y a une erreur dans votre intro ;. vous écrivez:<br /> <br /> Les Troubles », à savoir le conflit qui a opposé, à partir des années soixante à peu près, les républicains et les nationalistes ( ??) <br /> <br /> <br /> <br /> ne serait ce pas plutôt <br /> <br /> Les Troubles », à savoir le conflit qui a opposé :<br /> <br /> les républicains et nationalistes (principalement catholiques) d'une part,<br /> <br /> et loyalistes et unionistes (principalement protestants) d'autre part ?
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