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Léa & Belfast
8 novembre 2012

Légendes et paysages irlandais

Avec ma coloc Maja, on s’est payé le tour de la côte nord irlandaise en bus de luxe (qu’ils disent), ça nous a coûté cinquante balles et on se caillait dedans (comme partout ici, je pense qu’on trempe les bébés irlandais dans l’azote pour les habituer, sinon je ne comprends pas spécialement comment ils font pour survivre en t-shirt sous la pluie quand il fait 10) mais c’était sublime.

Je suis donc maintenant en mesure de confirmer que oui, c’est très vert, très plat et très désert. Raison pour laquelle l’Irlande et la terre promise des moutons : ils ne mangent rien moins que le caviar du mouton, ils n’ont aucun prédateur et surtout, de visu, plus d’un kilomètre carré à disposition par personne. Tranquille la life. Si j’étais mouton, je serais irlandaise. J’en ai quand-même vu un qui s’était coincé la tête dans la barrière en essayant de bouffer dans le champ d’à côté. Comme quoi l’herbe est toujours plus verte ailleurs, même quand elle l’est déjà plus que n’importe où.

Les perspectives m’ont parues bien étranges. En Suisse, on a de la bonne grosse montagne, du lac dessous, soit c’est plat soit ça monte et quand ça vallonne, il y a toujours un moment où on arrive à une vraie bonne côte. Ici ils ont des « hills ». Ils traduisent ça par « montagne », mais faut pas déconner. Une hill, c’est à peine un amas. C’est un petit tas. Avec deux bons travailleurs suisses, il te faut pas plus d’un jour de boulot pour construire une hill en fromage. L’ascension d’une hill, ça prend moins de cinq minutes à un asthmatique fumeur. Depuis le sommet d’une hill, t’as pas grand-chose de plus comme point de repèr que le pompon du bonnet de ta pote restée en bas (de la hill). Et encore, quand c’est une grande hill. Bref.

En fait, les paysages irlandais sont indécis, les contours des choses estompés, embrumés, tout est aquarelle. Hop, une goutte d’eau et ça se dissout. Puis un rayon de soleil redéfinit les bordures au feutre. Et voilà qu’il repleut. En plus, la météo aussi est instable. Dans une seule journée, on peut très bien avoir une inondation, un ouragan et une canicule.

Mais c’est joli, presque enchanté. S’il est difficile d’imaginer une tribu d’elfes ou un troupeau de licornes vivant en haut des Alpes, ici pas de problème. On s’attend à chaque instant à les voir débarquer. Ils ont absolument tout ce qu’il faut. De la forêt pas trop inhospitalière, du sol tendre sur lequel se coucher, de la brume épaisse pour se cacher ou faire des sortilèges, un climat ni trop doux ni trop rude ET DE LA GUINESS !

Après deux heures de route parmi vertes vallées, nous sommes arrivées à la chaussée des géants, au bord de la mer, où habite Finn Mc Cool. Personne ne l'a aperçu depuis belle lurette, parce qu’il se planque ou parce qu’il est parti faire sa retraite au soleil, mais il reste des traces de son passage.

Son chameau, couché dans la mer, se les caillant depuis des lustres. Oui, on trouve rarement des chameaux en Irlande mais Finn est un géant voyageur, et il aime ramener des souvenirs de ses périples.

Son orgue immense. On dit que Finn s’exerçait régulièrement dans le passé mais qu’après avoir acquis une technique presque parfaite et être devenu fin mélomane, il décida de ne plus jouer qu’une fois tous les cent ans, car la très belle musique se savoure mieux si on la garde pour les occasions exceptionnelles.

Le pont et la botte de Benandonner,  rival écossais de Finn Mc Cool. Comme Finn lui criait sans arrêt des insultes pour rire depuis sa maison, Benandonner, sans humour, décida de construire un pont pour passer la mer et venir lui casser le nez. Finn était bien décidé à se défendre mais sa femme savait que le voisin écossais était bien plus fort que lui. Elle mit donc au point une stratégie subtile et convainquit son mari d’y adhérer en usant de moult subterfuges féminins.

Quand Benandonner arriva sur la plage de la chaussée des géants, la femme de Finn alla à sa rencontre pour l’inviter aimablement à prendre le thé en attendant son mari parti chasser. Benandonner, qui n’avait rien contre elle, accepta de bon cœur car il la trouvait fort jolie (elle avait la peau vert pale et les cheveux jaunes, ce qui est un must chez les géants). Mais Finn s’était déguisé en nouveau né et, couché dans un immense berceau, il faisait semblant de pleurer. Benandonner en le voyant se dit que pour avoir conçu un enfant si gigantesque, le père devait être monstrueux. Terrorisé, il s’enfuit en courant jusque chez-lui en Ecosse, cassant le pont dont il reste un petit morceau sur la chaussé et perdant sa botte, que l’on peut voir encore aujourd’hui.

L’Irlande est une terre de légendes. Les gens d’ici les ont inventées (à moins qu’elles soient toutes vraies ?) parce qu’ils savent que le chameau, l’orgue ou la botte d’un géant sont des objets infiniment plus poétiques que de simples agrégats de pierres mortes, et que créer de la magie est le meilleur rempart contre la pluie, la brume et les patates à chaque repas. Pour ça je les admire.

Photos en haut à droite sous "Paysages irlandais"

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